Note sur le texte :
LES/ MUSES/ RASSEMBLÉES/ PAR/ L'AMOUR./ IDILLE./ MISE EN MUSIQUE PAR M. CAMPRA,/ Maître
de la Musique de la Chapelle du Roi ; Directeur/ de celle de S.A.S. Monseigneur le
PRINCE DE CONTI ;/ & l'un des Académiciens de l'Académie de Musique/ d'Aix./ A
PARIS,/ Chez JACQUES ESTIENNE, rüe Saint Jacques,/ à la Vertu./ M. DCC. XXIII./ AVEC
PERMISSION.
13 p., privilège.
F-Tm/ Rés. D XVIII 746(1), Fonds ancien 2
autre exemplaire
F-Pn/ 8-Yth-12466
Commentaire manuscrit : "Les vers sont de m. Perrin Chevalier de St Louis, et natif
d'Aix. C'est le meme qui a donné une Edition des lettres de Madame de Sevigné en 6.
volumes."
LES/ MUSES/ RASSEMBLÉES/ PAR/ L'AMOUR./ IDILLE./
SCENE PREMIERE.
L'AMOUR, CHOEUR DE MUSICIENS.
L'AMOUR.
Chantez, célébrez l'heureux jour
Qui me rappelle en ce charmant séjour :
Une épouvantable Furie
A trop long-tems désolé ces climats,
Qu'un doux repos succéde à tant de barbarie,
Et que l'image du trépas
De vos plaisirs nouveaux à jamais soit bannie.
Chantez, célebrez l'heureux jour
Qui me rappelle en ce charmant séjour.
CHOEUR.
Chantons, célebrons l'heureux jour
Qui dans ces lieux a rappellé l'Amour.
L'AMOUR.
Je viens de tous vos maux effacer la mémoire,
Je n'exige de vous pour prix de mes faveurs,
Que de faire briller la gloire
Et d'Apollon & des neufs Soeurs.
CHOEUR.
Répondez-nous tendres Musettes,
Des Jeux & des Plaisirs célebrez le retour,
Qu'ils regnent à jamais dans ces douces retraites,
Chantons, célebrons l'heureux jour,
Qui dans ces lieux a rappellé l'Amour.
UNE MUSICIENNE.
Aymable tyran de nos ames,
Tout court au devant de tes fers,
Sans les feux dont tu nous enflames
On verroit perir l'univers.
Après les plus vives alarmes
Offre-nous l'attrait du plaisir,
Amour, fais-nous goûter les charmes
De l'esperance & du desir.
On entend un bruit qui annonce le Dieu Mars.
DEUX MUSICIENS
de la suite de l'Amour.
Quel bruit se fait entendre ?
Il annonce le Dieu qui preside aux combats,
Quel dessein le force à descendre ?
Veut-il troubler aussi ces fortunés climats ?
SCENE SECONDE.
MARS, L'AMOUR, CHOEUR DE MUSICIENS.
MARS.
Ne craignez rien de ma présence,
Bellone & la Terreur ne suivent point mes pas,
Le Destin qui pour vous a désarmé mon bras
Veut qu'un plus long repos comble votre esperance.
Triomphez, Dieu charmant, regnez dans ces beaus lieux,
Sans cesse le Flambeau des cieux
Y répand sa chaleur féconde,
Il y fait de beaux jours, quand l'Hyver furieux
Ravage le reste du monde.
CHOEUR.
Triomphez, Dieu charmant, regnez dans ces beaus lieux,
Sans cesse le Flambeau des cieux
Y répand sa chaleur féconde,
Il y fait de beaux jours, quand l'Hyver furieux
Ravage le reste du monde.
L'AMOUR
Les Romains autrefois ornerent cette ville,
Elle doit plaire à vos regards,
Je veux qu'elle serve d'asile
Aux jeux, au plaisirs, aux beaux arts.
Que le Ciel favorable à jamais y conserve
Un Heros* qui fait voir la valeur des Césars,
Il joint aux faveurs du Dieu Mars,
Les aimables dons de Minerve.
Ensemble
Qu'il jouïsse à jamais du fruit de ses exploits ;
Pour chanter sa valeur unissons tous nos voix.
MARS
Sçavantes Nymphes du Permesse,
[note de bas de page]
* M. le Maréchal DE VILLARS, Gouverneur de Provence.
Venez, rassemblez-vous dans ces aimables lieux :
Vous, qui par vos accords inspirez la tendresse,
Chantez le plus charmant des Dieux.
CHOEUR.
Sçavantes Nymphes du Permesse,
Venez, rassemblez-vous dans ces aimables lieux :
Vous, qui par vos accords inspirez la tendresse,
Chantez le plus charmant des Dieux.
SCENE TROISIEME
ERATO, EUTERPE, CHOEUR DE MUSES/ ET DE MUSICIENS.
ERATO.
Accourez, jeune Hebé, que les Ris & les Graces
Les Jeux & les Plaisirs voltigent sur vos traces.
Ce n'est qu'à des Divinitez
Que cette Fête est destinée :
Non, jamais de Thetis le pompeux hymenée
Ne rassembla tant de beautez.
EUTERPE
Ne vous offensez pas, Déesse de Cythere,
Des voeux que font pour moi de si charmants objets ;
Reposez-vous sur leurs attraits,
Sur ces dons que de vous ils ont reçû pour plaire,
Du soin toûjours égal d'augmenter vos sujets.
ERATO.
Qu'une si douce intelligence
Fasse revivre encor cette fameuse Cour*
Qui jadis en ces lieux signala la puissance
De la mere d'Amour.
Ensemble
A ce tribunal redoutable
Les crimes de Amans ne sont pas impunis ;
Si l'on brise les noeuds de deux coeurs bien unis,
L'Amour demêle le coupable.
CHOEUR.
A ce tribunal redoutable
Les crimes des Amans ne sont pas impunis ;
Si l'on brise les noeuds de deux coeurs bien unis,
L'Amour demêle le coupable.
UNE MUSE.
En vain, jeunes Beautez, sous un voile trompeur
[note de bas de page]
* La Cour d'Amour qui étoit autrefois établie à Aix.
Vous déguisez votre inconstance :
Le Dieu chargé de la vengeance
Penetre jusqu'au fond du coeur.
UNE AUTRE
Amans heureux, soyez fidelles,
Ne dites pas même aux forets
Les tendres faveurs de vos Belles,
Les Echos d'alentour trahiroient vos secrets.
CHOEURS.
A ce Tribunal redoutable
Les crimes des Amans ne sont pas impunis ;
Si l'on brise les noeuds de deux coeurs bien unis,
L'Amour demêle le coupable.
EUTERPE.
Que j'aime l'éclat de ces lieux !
Que cet encens m'est précieux !
Par les accords d'une sçavante lyre
Mes plus fidéles Nourrissons
Enchantent mon oreille, & lui rendent les sons
Aussi doux que je les inspire.
UN MUSICIEN PROVENÇAL.
Le langage divin des Filles de Memoire
De la rime* en ces lieux emprunta l'agrément,
Nos habitans ont eû la gloire
D'y joindre un attrait si charmant.
[note de bas de page]
* Les Troubadours anciens Poëtes Provençaux sont les pre-
miers qui ont enseigné l'usage de la rime.
SCENE QUATRIÉME/ ET DERNIERE.
APOLLON, L'AMOUR, CHOEUR DE MUSES/ ET DE MUSICIENS.
APOLLON.
J'abandonne pour vous les rives du Permesse,
Vos concerts sont dignes des Dieux :
Je vois avec plaisir s'assembler en ces lieux
Les Arts que cultivoit la Gréce.
Offrez à la vertu les premiers de vos voeux,
Des plus fameux Heros consacrez la memoire,
Ne célebrez jamais les plaisirs & les jeux
Qu'après avoir chanté la Gloire.
L'AMOUR.
Jeunes coeurs blessés de mes traits,
Chantez votre heureuse défaite,
Rendez ma victoire complette,
Je rendrai vos plaisirs parfaits.
Aux transports de votre tendresse
Je mesure votre bonheur,
J'inspire une aimable fureur,
Ma folie est une sagesse.
Jeunes coeurs blessés de mes traits,
Chantez votre heureuse défaite,
Rendez ma victoire complette,
Je rendrai vos plaisirs parfaits.
APOLLON.
Du tendre Amour doit-on craindre les flames
Quand il nous promet ses faveurs;
Si ce Dieu pour sa Mere embrase tous les coeurs,
Aux plus brillans exploits il excite les ames.
APOLLON ET L'AMOUR.
Offrez à la Vertu les premiers de nos voeux,
Des plus fameux Heros consacrez la memoire ;
Ne célebrons jamais les Plaisirs & les Jeux
Qu'après avoir chanté la Gloire.
CHOEURS.
Offrons à la Vertu les premiers de nos voeux,
Des plus fameux Heros consacrons la memoire ;
Ne célebrons jamais les Plaisirs & les Jeux
Qu'après avoir chanté la Gloire.
APPROBATION.
J'ai lû par l'ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux une Idille qui a pour titre,
Les Muses rassemblées par l'Amour : & qui doit être chantée dans l'Académie de
Musique d'Aix. L'établissement de cette Académie qui devient de jour en jour plus
florissante, fait honneur à une ville qui s'est toûjours signalée par l'amour des
beaux Arts, & par le soin de les cultiver. Monsieur Campra y est né avec ces talens
rares qui l'ont par tout fait connoître ; & comme il a toûjours cherché les moyens
de contribuër à la gloire de sa Patrie, je crois que ce divertissement sera digne
de lui, & des Academiciens qui l'ont prié d'en faire la Musique. A Paris, ce 28
Avril 1723.
DANCHET.
Extrait des Lettres de Permission.
Par Lettres Patentes du Roi données à Versailles le 7 May 1723. scellées du grand
sceau & signées par le Roy, de S. Hilaire, il est permis à Jacques Estienne d'imprimer
un petit Ouvrage intitulé, Les Muses rassemblées par l'Amour ; avec défenses à tous
Libraires, Imprimeurs, Imprimeurs & autres d'en introduire d'impression étrangere,
&c. ainsi qu'il est porté plus au long dans lesdites Lettres, qui ont été enregistrées
sur le registre 5 de la Communauté des Libraires de Paris le 10 May 1723. Signé, BALLARD,
Syndic.
Autre source avec variante : Mercure de France 1724.02, p. 296.
Extrait de la scène IV,
Jeunes coeurs blessez de mes traits,
Chantez vôtre heureuse défaite,
Rendez ma victoire complette,
Je rendrai vos plaisirs parfaits.
Aux transports de vôtre jeunesse
Je mesure votre bonheur,
J'inspire une aimable fureur,
Ma folie est ma sagesse.
Jeunes coeurs, &c.