Source A :
Chanson de Petrarque - dans - Claude Le Jeune - Livre de mélanges - Anvers, Plantin,
1585 - Parties séparées, 6 vol. - S, C, T : p. 44-56 - B : p. 42-54 - 5
: p. 1-14 - 6 : p. 1 - F-Psg/Vm 74 Rés
Type de source :
originale
Description de la source :
Un jour estant seulet a la fenestre, - Vy tant de cas nouveaus devant mes yeus, -
Que d'en tant voir fasché me convint estre. - Si m'aparut une biche a main dextre,
- Belle pour plaire au souverain des Dieus, - Chasse' estoit de deus chiens envieus,
- Un blanc un noir qui par mortel effort - La gente beste aus flancs mordoient si
fort - Qu'au dernier pas a la fin l'ont menee - Cheoir sur un roc, & la la cruauté
- De mort veinquit une grande beauté : - Dont soupirer me fit sa destinee.
2° Partie. - Puis en mer haute un navire avisoye, - Qui tout d'ebene & blanc y
voire estoit. - A voiles d'or, & les cordes de soye : - Doux fut le vent, la mer
paisible & coye ; - Le ciel par tout clair se manifestoit : - La belle nef pour
sa charge portoit - Riches tresors, mais tempeste subite - En troublant l'air ceste
mer tant irrite - Que la nef hurt' un roc caché sous l'onde : - O grand' fortune,
O crève coeur trop grief, - De voir perir en un moment si brief - La grand richess'
a nulle autre seconde.
3° Partie. - Apres je vy sortir divins rameaus - D'un laurier jeune en un nouveau
bocage, - Et me sembla voir un des arbrisseaus - De paradis, tant y avoit d'oyseaus,
- Diversement chantans a son ombrage : - Ces grans delitz ravirent mon courage : -
Et ayant l'oeil fiché sur ce laurier, - Le ciel entour commence a varier, - Et a noircir,
dont la foudre grand' erre - Vint arracher celuy plant bienheureus, - Qui me fait
estre a jamais langoureus, - Car plus telle ombre on ne recouvre en terre.
4° Partie. - Au mesme boys sourdoit d'un vif rocher - Fonteine d'eau murmurant souefvement
: - De ce lieu frais tant excellent & cher - N'osoient pasteurs, ni bouviers approcher,
- Mai mainte muse, & nymphes seulement : - Qui de leurs voix accordoient doucement
- Au son de l'eau, la j'assis mon desir : - Et lors que plus j'y prenois de plaisir,
- Je vy helas, de terre ouvrir un gouffre - Qui la fonteine, & le lieu devora
: - Dont le mien coeur grand regret encor' a : - Et y pensant du seul penser je souffre.
5° Partie. - Au boys je vy un seul fenix - Portant ailes de pourpr' & le chef
tout doré : - Estrange estoit, & cuiday a l'instant - Voir quelque cors celeste,
jusqu'a tant - Qu'il vient a l'arbre en pieces demeuré : - Et au ruisseau que terre
a devoré : - Que diray plus ? toute chose enfin passe. - Quand le fenix vid les rameaus
en place, - Le tronc rompu, l'eau séche d'autre part, - Comme en dédain de son bec
s'est feru, - Et des humains sur l'heure disparu : - Dont de pitié, & d'amour
mon coeur ard.
6° Partie. - Enfin je vy une dame si belle, - Qu'en y pensant touiours je brul' &
tramble : - Entre herb' & fleurs pensive marchoit elle, - Humble de soy, mais
contre amour rebelle, - Et blanche cotte avoit comme il me semble, - Faite en tel
art que neige & or ensemble - Sembloient meslés, mais en sus la ceinture - Couverte
estoit d'une nuée obscure, - Et au talon un serpenteau la blesse : - Dont languissoit
comme une fleur cueillie ; - Puis asseuree en liesse est saillie : - Las, rien ne
dure au monde que tristesse.
Derniere Partie. - O chanson mienn' en tes conclusions - Dy hardiment ces six gran's
visions - A mon Seigneur donnent un dous desir - De briefvement sous la terre gesir.
Comparaison sources : Ed. 1607: erreur de signe métrique (Bassus, 1° section) - Ed. 1607: variante
de place du texte (Contra, 1° et 5° sections) - Ed. 1586-7 et 1607: ajout
d'une formule ornementale (Contra, 2° section) - Ed. 1585: petites variantes
de musica ficta